Une carte souvent redoutée et mal-aimée au vu de son esthétique plutôt inquiétante, voire angoissante. En la regardant on s’imagine des nuits faites de cauchemars, qui nous tirent de nos draps pour nous laisser dans les larmes. Alors oui, c’est un poil dramatique je vous l’accorde.
Porter le poids du monde
En bonne gaucho que je suis je ne peux m’empêcher d’y voir un parallèle avec ce qu’on appelle l’actualité. En tirant cette carte j’y ai vu le fameux terme d’éco-anxiété, puis d’anxiété généralisée face à la merde que nous délivrent les gouvernements et autres puissants.
Ici on porte tout le poids du monde, tous les malheurs, sur nos frêles épaules. On porte la responsabilité de tous les maux, on voit le tas de merdier devant nous et tout ce qu’on est censé faire pour l’éliminer. La tâche nous semble interminable, gigantesque pour notre seule personne, on se sent envahis par l’angoisse et même la culpabilité. Alors la culpabilité peut être un levier d’action pour certain-es, à titre personnel c’est en partie grâce à ce sentiment que je suis devenue vegan, mais le souci c’est qu’elle est toujours portée par les mêmes. Je vous le donne dans le 1000 ce n’est ni l'État, ni les institutions, qui s’en incombent.
Ceux-ci se déresponsabilisent totalement et ont depuis un moment axés leur communication sur tous les gestes que nous, petits gens, pouvons faire pour sauver le monde, yeah. Et si on le fait pas, booooouh tout brûle par notre faute. Si bien que pour un bon nombre d’entre nous, la moindre de nos actions peut créer d’intenses réflexions, de l’anxiété, et la fameuse culpabilité.
Une nouvelle fois je vais me prendre comme exemple (bah oui c’est ma newsletter après tout) : je suis vegan, je consomme un max local et de saison, bio pour les produits qui rentrent dans mon budget, je ne prends plus l’avion depuis 10 ans, j’achète un max de seconde main… blabla. Le but n’est pas de me donner des bons points et vous montrer à quel point je fais bien, pas du tout, c’est simplement pour vous faire un état des lieux.
Je précise que je suis privilégiée par rapport à d’autres, j’ai le temps et les capacités de m’informer, et de faire certains choix de consommation.
Je pense faire des choix qui limitent déjà mon impact sur la planète, et pourtant ce n’est jamais assez (ce qui en soit n’est pas totalement faux). Alors on vous voit les gens sur les RS qui bondissent à la moindre contradiction, quand pour la plupart vous ne faites même pas la moitié de ce que les gens que vous attaquez font. J’ai l’impression que plus t’en fais moins t’en fais en fait, vous voyez ce que je veux dire ?
Alors attention, bien sûr que nous avons toustes une responsabilité, mais à force de mettre tout sur le dos des individus et bien ces derniers sont découragés et n’ont plus envie de faire quoi que ce soit.
Combien de fois je me retrouve à m’auto-flageller parce que je ne fais pas assez. Parce que je suis à la campagne et qu’il n’y a qu’un gros supermarché pour faire les courses, que je me prends la tête 20 minutes entre le bio suremballé ou le non bio et pas local mais sans plastique. Quand en Espagne, dans un village paumé, j'ai craqué pour un gâteau non vegan parce que j’avais trop faim et qu’il n’y avait rien d’autre, qu’ensuite je m’en suis voulu et me suis sentie nulle. Quand je prends 3 bains par an chez quelqu’un.e qui a une baignoire, que ça me détend mais que je pense aussi à ces litres d’eau potable et me dis que je suis une mauvaise écolo. Quand j’achète des chaussettes de fast fashion parce que j’ai pas 30€ à mettre dans une paire. Non mais à quel moment on peut culpabiliser pour des chaussettes quand on voit que le gouvernement vient de voter cette loi climaticide qu’est la loi Duplomb ?!
Et vas-y qu’on nous parle de petits gestes, de fermer le robinet quand on se lave les dents et de privilégier le vélo.
Le théorème des petits gestes
Les petits gestes, ou gestes individuels, sont nécessaires mais ne nous sauveront pas. L’idée n’est pas de ne rien faire, nous avons une marge de manœuvre, en tant que consommateur.ices nous avons un certain pouvoir ne l’oublions pas. D’ailleurs plus nous sommes privilégié-es plus notre pouvoir est grand, et plus nous nous devons de faire ces fameux gestes qui nous sont accessibles. Mais sans prises de décisions des états, sans changements drastiques qui dépassent notre individualité, ce n’est pas suffisant.
Pour aller plus loin je vous conseille cet épisode de Chaleur Humaine datant de 2022, mais dont le fond est toujours d’actualité.
Alors là vous allez me dire que je suis déprimante, que tout est perdu, je comprends je me le dis parfois (et je finis comme le 9 d’épées). Mais je crois que si je continue à faire ma part (colibri de mes fesses pour celleux qui ont la ref) c’est justement parce que l’espoir subsiste.
Les monstres de la nuit
Peut être que vous aviez peur des monstres quand vous étiez enfant, que le moindre bruit, la moindre ombre, pouvez jouer des tours à votre imagination, précisément quand il faisait nuit.
Mais ce n’était que cela, votre imagination. Et j’aimerai qu’on se rappelle toustes de ça en voyant le 9 d’épées. Certes le monde va mal, mais ne laissons pas les monstres symboliques nous pétrifier de peur et ainsi nous voler toute notre capacité de mouvement. Le monde est moche, mais il est aussi très beau. Nous pouvons ressentir la peur, mais cela ne doit pas nous empêcher d’agir quand on le peut, et de relâcher la pression quand on fait déjà de son mieux, d’arrêter de se torturer autant l’esprit (attention à ne pas extrapoler non plus, déso mais si on pointe du doigt vos propos racistes/transphobes et j’en passe, torturez vous bien l’esprit à faire mieux).
C’est exactement ce que veulent les vrais responsables, susciter sans cesse des réactions pour créer la confusion, le choc, le stress, la peur puis l’apathie. Morgan Noam explique ça très bien, à quel point cette technique est utilisée en politique. On nous sature d’informations, on accapare notre mental avec les gros titres qui à force nous rendent impuissant-es. On réagit sans cesse à la nouvelle folie, on nous désoriente pour nous empêcher de garder la tête froide et d’agir.
Investir son imagination
Et si on remplaçait les monstres de la nuit par tout un tas de créatures utopiques ? Face à la panique, à l’angoisse et au désespoir que suscitent l’actualité, si nous utilisions notre imagination pour créer des rêves plutôt que des cauchemars. Le 9 d’épées nous montre un personnage seul dans la tourmente, pourrait-on y voir l’invitation d’ouvrir les yeux, d’enlever les mains de notre visage pour les tendre vers l’extérieur ?
Je termine cette lettre en vous disant que vous n’êtes pas seul.e, et en vous invitant à partager vos angoisses dans un espace comme celui-ci. Mettre des mots sur nos inquiétudes, les déposer avec d’autres personnes, nous aide à rendre le tout moins vertigineux. Je vois le 9 d’épées comme une profonde incitation à ne pas rester terrorisé.e dans le noir, à se rendre compte que la lune nous éclaire et qu’il y a toujours des étoiles (même en ville oui elles continuent d’être là). Que même si la nuit peut intimider, c’est aussi un espace où tout est possible, qui peut être magique et nous permettre de rêver grand, si on s’y autorise toustes ensemble.
Pour creuser un peu plus les thématiques abordées voici d’autres contenus intéréssants :
Merci pour cet article, je comprends ce ressenti. J’ai des réflexions des fois sur la capacité du capitalisme à s’installer partout y compris dans notre psyché. Je me demande alors si cette culpabilité de ne pas « pas faire assez » est aussi une stratégie du monde du capital pour nous figer et jouer avec nos failles …